Chapitre XII ; Dernière ligne droite.
De CP8 à CP9
Je repars de CP8 à 07h10, soit un arrêt de 30mn comme prévu.
Ce CP sera une sorte de vraie dernière ligne droite. C’est toujours tout droit en longeant les massifs rocheux, puis lorsque j’en sortirai, il ne me restera qu’une jolie ligne droite dans le sable.
Un peu après avoir quitté le CP je retrouve le 4x4 de Marc. Pose photo et vidéo (et ma moyenne, vous y pensez à ma moyenne ?) et en jackpot, j’ai le droit à un cours de mise en place du chèche version tchadienne (différente de celle que j’utilise). Du coup je vais le garder comme ça jusqu’à l’arrivée.
La première partie est réalisée tranquillement. Je profite en fait de cette fin de course, sans un regard pour le chrono (put… de GPS). Une petite montée pour sortir de cette zone avant d’attaquer la dernière zone de sable. Une fois en haut, pour la première fois je vais me retourner pour voir s’il y a quelqu’un derrière. Ce n’est pas comme quand je faisais ça pendant la nuit. Dans la nuit je regardais si j’allais avoir de la compagnie. Non là c’est juste que j’ai pas envie de me faire remonter aussi près du but.
C’est totalement bête comme réaction, d’autant que je n’ai absolument aucune idée de mon classement (et que ce n’est pas important), mais c’est une sensation, une idée qui m’est entrée en tête à partir de là et qui ne va plus me quitter jusqu’à l’arrivée.
La dernière section va me paraitre interminable. A l’approche de chaque bloc rocheux, j’ai l’impression que le village est derrière, et à chaque fois, la trace du GPS continue encore plus loin.
Une fois, deux fois, trois fois… Et avec les heures qui passent la chaleur commence à se faire plus présente, et je n’ai pas envie de me refaire un grosse période chaude.
Je reste concentré sur un objectif, voir apparaitre le village. Pour la première fois je vais regarder une fonction particulière du GPS… La distance restante jusqu’à l’arrivée. J’ai toujours évité de l’utiliser car c’est une arme à double tranchant, mais là ça devient nécessaire pour maintenir le rythme (qui a quand même bien baissé).
Les derniers kilomètres passent doucement, très doucement. J’ai maintenant envie d’en finir. Je me vois m’allonger sur un matelas dans la tente commune, au frais…
Finalement le village finira par apparaitre. Normal, mais quel bonheur de le voir. Je vois les Yégués qui approchent. Je passe près du campement où les femmes qui ont monté le village se sont installées, et j’ai même le droit à quelques encouragements. Je contourne le village pour rejoindre l’entrée principale, celle où il y a l’arche orange qui va marquer la fin de la partie sportive de l’aventure.
Derniers mètres, les premières personnes du campement apparaissent, puis c’est le passage sous l’arche.
Arrivée - Vendredi 02 février 2018 – 11h10 – Km 183
Temps prévu section 3h30 – Temps réalisé section 4h00
Temps prévu course 49h45 – Temps réalisé course 51h40
Je tombe dans les bras de JP… It’s done !
J’embrasse les différentes personnes qui sont là pour m’accueillir. Beaucoup d’émotion ! Difficile de décrire ce moment, celui où tout se relâche ! Sensation très particulière. Je suis bien, je n’ai plus mal nulle part. Photo pour immortaliser tout ça !
On me dirige sous la tente commune. Tout est prêt pour chaque arrivée. J’enlève sac, je m’installe sur un lit de camp, et là j’ai le droit à une bière fraiche, et à une salade de fruits frais. Que du bonheur. Il fait bon sous cette tente. Il y a de l’air, je suis bien.
On commence à discuter de la course puis Jean-Victor m’apporte un seau d’eau pour y baigner les pieds. Excellent idée, merci encore ! J’enlève guêtres et chaussures, et je plonge mes pieds dans l’eau fraiche. Que c’est bon.
Je vais trainer de la sorte un bon moment. Et même un très bon moment.
L’arrivée de benoît une heure plus tard ne me fera pas arrêter ce moment de bonheur. Au contraire. Il vient s’installer à côté de moi et profiter à son tour de ce moment.
En fait le déclencheur de « durée » sera l’arrivée de Cyrus. Dès lors qu’il est annoncé, je me prépare à me lever pour aller l’accueillir sur la ligne…
Je comprends que les jambes ne sont pas forcément tout à fait d’accord avec moi. Elles se rebellent en refusant de se plier … Mais pour Cyrus, j’aurais le dessus. Là je me rends compte que cela fait 3 heures que je traine ici. 3 heures à ne rien faire si ce n’est profiter du moment. C’est comme sur les CP, si j’y passe autant de temps c’est que j’en ai besoin. Et bien là ces trois heures post arrivée m’ont fait un bien fou !
Accueil de Cyrus. Emotion. Je me souviens que lorsque je l’ai doublé la première nuit, il m’a dit « allez vas-y c’est ton jour ». Je n’y croyais pas vraiment, et j’étais persuadé qu’il me rattraperait. Finalement 3h d’écart sur 55 heures de course, ce n’est quand même pas grand-chose. L’équivalent de 10mn sur un marathon…
Fin de l’épreuve…
J’essaye de regagner mon Yégué. Jambes raides. Dur de me plier pour passer sous la porte. Je retrouve Christine qui a bouclé son 45km qui en faisait en fait 57, Guy, Frank et Katia qui m’expliqueront par la suite les raisons pour lesquelles ils ont dû arrêter ainsi que Philippe dont les relations avec le reste de l’équipe se seront avérées compliquées.
J’apprends également la belle victoire de Sébastien, le podium de Guillaume et de Norimasa, un des 3 japonais de la course et celle de Valérie, 1ère femme et 4ème au scratch !
L’après-midi est bien entamée. Je me décide à aller prendre une méga douche (au sens local bien sur). Cette fois on a le droit à de l’eau chaude. Ayant entendu parler d’eau très (trop) chaude pour les premiers, j’anticipe en demandant de l’eau… tiède. On m’amène le seau juste à la bonne température. Là je vais passer encore un excellent moment. Ma douche donne sur un paysage fabuleux. Se doucher dans ces conditions, ce n’est que du bonheur
En sortant de la douche, je suis un homme neuf.
Pas de blessures si ce n’est une ampoule sur le côté de chaque pied. Broutille que j’ai gérée sans jamais y toucher pendant la course et que je ferai soigner par les docs histoire de régler le point définitivement.
La suite de la journée se partage entre le fait de refaire la course avec ceux qui sont arrivés, et l’accueil de ceux qui arrivent au fil des heures.
Pas question d’aller dormir. Je préfère attendre le soir pour ne pas me décaler.
Apéro du soir. Après les bières de l’arrivée, on alterne entre vin rouge et rhum arrangé. Rien de tel pour m’achever. Repas rapide (étrangement je n’ai pas très faim, et rapidement je vais m’excuser auprès des copains pour aller m’effondrer dans les bras de Morphée.
Pas besoin de somnifère… le TREG est bien plus efficace.